Retour à la bibliothèque

 

 

«  Si Dieu est souverainement juste et bon, il ne peut agir par caprice ni avec partialité.
Les vicissitudes de la vie ont donc une cause, et puisque Dieu est juste, cette cause doit être juste. »

ALLAN KARDEC.

 

Le libre arbitre : Fatalité et Responsabilité

 

La notion de libre arbitre est indissociable de la responsabilité. Si l’homme n’était pas libre de ces actes, il ne serait qu’une machine aveugle ; les criminels et les vicieux ne seraient alors pas responsable de leurs actes, qu’ils pourraient attribuer à leurs « gènes ». Cette croyance que toutes nos pensées et que tous nos actes sont entièrement déterminés par les lois de la matière, et, que l’impression que nous avons d’être libres est illusoire, est appelée le déterminisme. C’est la négation de toute responsabilité et de toute moralité.
La question du libre arbitre est éclairée par la doctrine des renaissances successives et de l’évolution de l’être : dans les couches inférieures de la création, l'être s'ignore encore. L'instinct seul et la nécessité le conduisent, et ce n'est que dans les types plus évolués qu'apparaissent, comme une aube pâlissante, les premiers rudiments des facultés. Dans l'humanité, l'âme est parvenue à la liberté morale. Son jugement, sa conscience se développent de plus en plus, à mesure qu'elle parcourt son immense carrière. Placée entre le bien et le mal, elle compare et choisit librement. Eclairée par ses déceptions et ses maux, c'est au sein des épreuves que son expérience se forme, que sa force morale se trempe.

La question du libre arbitre peut se résumer ainsi : L'homme n'est point fatalement conduit au mal ; les actes qu'il accomplit ne sont point écrits d'avance ; les crimes qu'il commet ne sont point le fait d'un arrêt du destin. Il peut, comme épreuve et comme expiation, choisir une existence où il aura les entraînements du crime, soit par le milieu où il se trouve placé, soit par des circonstances qui surviennent, mais il est toujours libre d'agir ou de ne pas agir. Ainsi le libre arbitre existe à l'état d'Esprit dans le choix de l'existence et des épreuves, et à l'état corporel dans la faculté de céder ou de résister aux entraînements auxquels nous nous sommes volontairement soumis.
L'Esprit dégagé de la matière, et à l'état errant, fait choix de ses existences corporelles futures selon le degré de perfection auquel il est arrivé, et c'est en cela, comme nous l'avons dit, que consiste surtout son libre arbitre. Cette liberté n'est point annulée par l'incarnation ; s'il cède à l'influence de la matière, c'est qu'il succombe sous les épreuves mêmes qu'il a choisies, et c'est pour l'aider à les surmonter qu'il peut invoquer l'assistance de Dieu et des bons Esprits.
Sans le libre arbitre l'homme n'a ni tort dans le mal, ni mérite dans le bien ; et cela est tellement reconnu que, dans le monde, on proportionne toujours le blâme ou l'éloge à l'intention, c'est-à-dire à la volonté ; or, qui dit volonté dit liberté. L'homme ne saurait donc chercher une excuse de ses méfaits dans son organisation, sans abdiquer sa raison et sa condition d'être humain, pour s'assimiler à la brute. S'il en était ainsi pour le mal, il en serait de même pour le bien ; mais quand l'homme fait le bien, il a grand soin de s'en faire un mérite, et n'a garde d'en gratifier ses organes, ce qui prouve qu'instinctivement il ne renonce pas, malgré l'opinion de quelques systématiques, au plus beau privilège de son espèce : la liberté de penser.

La fatalité, telle qu'on l'entend vulgairement, suppose la décision préalable et irrévocable de tous les événements de la vie, quelle qu'en soit l'importance. Si tel était l'ordre des choses, l'homme serait une machine sans volonté. A quoi lui servirait son intelligence, puisqu'il serait invariablement dominé dans tous ses actes par la puissance du destin ? Une telle doctrine, si elle était vraie, serait la destruction de toute liberté morale ; il n'y aurait plus pour l'homme de responsabilité, et par conséquent ni bien, ni mal, ni crimes, ni vertus. Dieu, souverainement juste, ne pourrait châtier sa créature pour des fautes qu'il n'aurait pas dépendu d'elle de ne pas commettre, ni la récompenser pour des vertus dont elle n'aurait pas le mérite. Une pareille loi serait en outre la négation de la loi du progrès, car l'homme qui attendrait tout du sort ne tenterait rien pour améliorer sa position, puisqu'il n'en serait ni plus ni moins.
La fatalité n'est pourtant pas un vain mot ; elle existe dans la position que l'homme occupe sur la terre et dans les fonctions qu'il y remplit, par suite du genre d'existence dont son Esprit a fait choix, comme épreuve, expiation ou mission ; il subit fatalement toutes les vicissitudes de cette existence, et toutes les tendances bonnes ou mauvaises qui y sont inhérentes ; mais là s'arrête la fatalité, car il dépend de sa volonté de céder ou non à ces tendances. Le détail des événements est subordonné aux circonstances qu'il provoque lui-même par ses actes, et sur lesquelles peuvent influer les Esprits par les pensées qu'ils lui suggèrent.
La fatalité est donc dans les événements qui se présentent, puisqu'ils sont la conséquence du choix de l'existence fait par l'Esprit ; elle peut ne pas être dans le résultat de ces événements, puisqu'il peut dépendre de l'homme d'en modifier le cours par sa prudence ; elle n'est jamais dans les actes de la vie morale.
C'est dans la mort que l'homme est soumis d'une manière absolue à l'inexorable loi de la fatalité ; car il ne peut échapper à l'arrêt qui fixe le terme de son existence, ni au genre de mort qui doit en interrompre le cours.

Selon la doctrine matérialiste, l'homme puiserait tous ses instincts en lui-même ; ils proviendraient, soit de son organisation physique dont il ne saurait être responsable, soit de sa propre nature dans laquelle il peut chercher une excuse à ses propres yeux, en disant que ce n'est pas sa faute s'il est ainsi fait. La doctrine spirite est évidemment plus morale : elle admet chez l'homme le libre arbitre dans toute sa plénitude ; et en lui disant que s'il fait mal, il cède à une mauvaise suggestion étrangère, elle lui en laisse toute la responsabilité, puisqu'elle lui reconnaît le pouvoir de résister, chose évidemment plus facile que s'il avait à lutter contre sa propre nature. Ainsi, selon la doctrine spirite, il n'y a pas d'entraînement irrésistible : l'homme peut toujours fermer l'oreille à la voix occulte qui le sollicite au mal dans son for intérieur, comme il peut la fermer à la voix matérielle de celui qui lui parle ; il le peut par sa volonté, en demandant à Dieu la force nécessaire, et en réclamant à cet effet l'assistance des bons Esprits. C'est ce que Jésus nous apprend dans la sublime prière de l'Oraison dominicale, quand il nous fait dire : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal. »
Cette théorie de la cause excitante de nos actes ressort évidemment de tout l'enseignement donné par les Esprits ; non seulement elle est sublime de moralité, mais nous ajouterons qu'elle relève l'homme à ses propres yeux ; elle le montre libre de secouer un joug obsesseur, comme il est libre de fermer sa maison aux importuns ; ce n'est plus une machine agissant par une impulsion indépendante de sa volonté, c'est un être de raison, qui écoute, qui juge et qui choisit librement entre deux conseils. Ajoutons que, malgré cela, l'homme n'est point privé de son initiative ; il n'en agit pas moins de son propre mouvement, puisqu'en définitive il n'est qu'un Esprit incarné qui conserve, sous l'enveloppe corporelle, les qualités et les défauts qu'il avait comme Esprit. Les fautes que nous commettons ont donc leur source première dans l'imperfection de notre propre Esprit, qui n'a pas encore atteint la supériorité morale qu'il aura un jour, mais qui n'en a pas moins son libre arbitre ; la vie corporelle lui est donnée pour se purger de ses imperfections par les épreuves qu'il y subit, et ce sont précisément ces imperfections qui le rendent plus faible et plus accessible aux suggestions des autres Esprits imparfaits, qui en profitent pour tâcher de le faire succomber dans la lutte qu'il a entreprise. S'il sort vainqueur de cette lutte, il s'élève ; s'il échoue, il reste ce qu'il était, ni plus mauvais, ni meilleur : c'est une épreuve à recommencer, et cela peut durer longtemps ainsi. Plus il s'épure, plus ses côtés faibles diminuent, et moins il donne de prise à ceux qui le sollicitent au mal ; sa force morale croît en raison de son élévation, et les mauvais Esprits s'éloignent de lui.

Les philosophes ont souvent opposé le libre arbitre à la prescience Divine en prétendant que si Dieu a la connaissance de l’avenir, alors nos actes ne sont pas libres puisque nous ne pouvons pas aller à l’encontre du plan Divin. Devant la connaissance anticipée que Dieu a de toutes choses, peut-on vraiment affirmer la liberté humaine ? Question complexe et ardue en apparence, qui a fait couler des flots d'encre, et dont la solution est cependant des plus simples. Mais l'homme n'aime pas les choses simples. Il préfère l'obscur, le compliqué et n'accepte la vérité qu'après avoir épuisé toutes les formes de l'erreur.
Dieu, dont la science infinie embrasse toutes choses, connaît la nature de chaque homme et les impulsions, les tendances d'après lesquelles il pourra se déterminer. Nous-mêmes, connaissant le caractère d'une personne, nous pourrions facilement prévoir dans quel sens, en telle circonstance donnée, elle se décidera, soit d'après l'intérêt, soit d'après le devoir. Une résolution ne peut naître de rien. Elle est forcément reliée à une série de causes et d'effets antérieurs dont elle dérive et qui l'expliquent. Dieu, connaissant chaque âme dans ses moindres replis, peut donc rigoureusement, avec certitude, déduire de la connaissance qu'il a de cette âme, et des conditions où elle est appelée à agir, les déterminations que, librement, elle prendra.
Remarquons que la prévision de nos actes ne les fait pas naître. Si Dieu ne pouvait prévoir nos résolutions, elles n'en auraient pas moins leur libre cours.
C'est ainsi que la liberté humaine et la prévoyance divine se réconcilient et se combinent, quand on considère le problème aux clartés de la raison.

 

A Noter :

  • Sans libre arbitre, l’homme n’aurait pas la responsabilité de ses actes.
  • La fatalité n’est jamais dans les actes de la vie morale.
  •  Pour en savoir plus :

  • Le Livre des Esprits d’Allan Kardec (3è partie, ch. X, Libre arbitre)
  • Le Livre des Esprits d’Allan Kardec (3è partie, ch. X, Fatalité)
  • Le Livre des Esprits d’Allan Kardec (3è partie, ch. X, Résumé théorique du mobile…)
  • Après la mort de Léon Denis (ch. XL, Libre arbitre et Providence)
  • Le Problème de l’Etre et de la Destinée de Léon Denis (ch. XXII, Libre arbitre)
  • Revue Spirite 2000 - n° 43, p. 19 (Libre arbitre)
  • Revue Spirite 1863, p.318 (Libre arbitre et prescience divine)
  • Revue Spirite 1867, p.253 (Responsabilité morale)
  • Revue Spirite 1870, p.109 (Le libre arbitre)
  •  

     

    La justice et la loi de causalité

     

    Tout s'enchaîne et se lie dans l'univers, au moral comme au physique, nous disent les Esprits. Dans l'ordre des faits, du plus simple au plus complexe, tout est réglé par une loi ; chaque effet se rapporte à une cause, et chaque cause engendre un effet identique à elle-même. De là, dans le domaine moral, le principe de justice, la sanction du bien et du mal, la loi distributive qui rend à chacun selon ses oeuvres. Comme les nuées formées par la vaporisation solaire retombent fatalement en pluie sur le sol, de même les conséquences des actes accomplis retombent sur leurs auteurs. Chacun de ces actes, chacune des volitions de notre pensée, suivant la force d'impulsion qui lui est imprimée, accomplit son évolution pour revenir avec ses effets, bons ou mauvais, vers la source qui les a produits.
    Ainsi les peines et les récompenses se répartissent sur les individus par le jeu naturel des choses. Le mal comme le bien, tout revient à son point de départ. Il est des fautes qui produisent leurs effets dans le cours même de la vie terrestre. Il en est d'autres, plus graves, dont les conséquences se font sentir seulement dans la vie spirituelle et parfois même dans les incarnations ultérieures.
    La peine du talion n'a rien d'absolu. Il n'en est pas moins vrai que les passions et les méfaits de l'homme amènent des résultats toujours identiques, auxquels il ne saurait se soustraire. L'orgueilleux se prépare un avenir d'humiliation ; l'égoïste crée autour de lui le vide et l'indifférence, et de dures privations attendent les sensuels. Là est la punition inévitable, le remède efficace qui guérira le mal dans sa cause, sans qu'aucun être ait à se constituer le bourreau de ses semblables.
    Le repentir, un ardent appel à la miséricorde divine, en nous mettant en communication avec les puissances supérieures, peuvent nous procurer la force nécessaire pour parcourir la voie douloureuse, le chemin d'épreuves que notre passé nous trace ; mais, en dehors de l'expiation, rien ne saurait effacer nos fautes. La souffrance, cette grande éducatrice, peut seule nous réhabiliter.
    La loi de justice n'est donc que le fonctionnement de l'ordre moral universel, et les peines, les châtiments représentent la réaction de la nature outragée et violentée dans ses principes éternels. Les forces de l'univers sont solidaires, se répercutent et vibrent à l'unisson. Toute puissance morale réagit sur celui qui la viole, proportionnellement à son mode d'action. Dieu ne frappe personne. Il laisse au temps le soin de faire découler les effets de leur cause.
    L'homme est donc son propre justicier, car, suivant l'usage et l'abus qu'il fait de sa liberté, il se rend heureux ou malheureux. Le résultat de ses actes se fait parfois attendre. Nous voyons en ce monde des coupables bâillonner leur conscience, se rire des lois, vivre et mourir honorés. Par contre, que d'honnêtes gens poursuivis par l'adversité et la calomnie ! De là, la nécessité des vies à venir, au cours desquelles le principe de justice trouve son application, et l'état moral de l'être, son équilibre. Sans ce complément nécessaire, l'existence actuelle n'aurait pas de sens, et presque tous nos actes seraient dépourvus de sanction.
    En réalité, l'ignorance est le mal souverain, d'où découlent tous les autres maux. Si l'homme voyait distinctement la conséquence de ses agissements, sa conduite serait différente. Connaissant la loi morale et son application inéluctable, il ne chercherait pas plus à la violer qu'à résister aux lois de la pesanteur ou de la gravitation.
    L'homme doit enfin apprendre à mesurer la portée de ses actes, l'étendue de ses responsabilités, à secouer cette indifférence qui creuse le gouffre des misères sociales et empoisonne moralement cette terre où il lui faudra renaître peut-être bien des fois encore. Il faut qu'un souffle nouveau passe sur les peuples et allume en eux ces convictions d'où sortent les volontés fermes, inébranlables. Il importe que tous le sachent enfin : le règne du mal n'est pas éternel, la justice n'est pas un vain mot ; elle seule gouverne les mondes, et, sous son niveau puissant, toutes les âmes se courbent dans la vie future, toutes les résistances, toutes les rébellions se brisent.
    De l'idée supérieure de justice découlent donc l'égalité, la solidarité et la responsabilité des êtres. Ces principes s'unissent et se fondent en un tout, en une loi unique qui domine et régit l'univers : le progrès dans la liberté. Cette harmonie, cette coordination puissante des lois et des choses ne donne-t-elle pas une idée autrement grande et consolante de la vie et des destinées humaines, que les conceptions néantistes ? Dans cette immensité où l'équité apparaît jusque dans les moindres détails, où pas un acte utile ne reste sans profit, pas une faute sans châtiment, pas une souffrance sans compensation, l'être se sent relié à tout ce qui vit. Travaillant pour lui et pour tous, il développe librement ses forces, il voit s'augmenter ses lumières, s'accroître ses félicités.
    Que l'on compare ces vues aux froides théories matérialistes, à cet univers effrayant où les êtres s'agitent, souffrent et passent, sans liens, sans but, sans espoir, parcourant leurs vies éphémères comme de pâles ombres sorties du néant pour retomber dans la nuit et le silence éternels ! De ces conceptions, quelle est la plus capable de soutenir l'homme dans ses douleurs, de tremper son caractère, de l'entraîner vers les hauts sommets !

     

    Pour en savoir plus :

  • Après la mort de Léon Denis (ch. XXXIX, Justice, Solidarité, Responsabilité)
  • Le Problème de l’Etre et de la Destinée de Léon Denis (ch. XXIII, Le problème du mal)
  • Le Problème de l’Etre et de la Destinée de Léon Denis (ch. XXIV, Loi des destinées)
  • Le Ciel et l’Enfer d’Allan Kardec (2e partie, ch. VIII, Expiations terrestres)
  •  

     

    Epreuves et suicides

     

    Dès lors qu'on admet Dieu, on ne peut le concevoir sans l'infini des perfections ; il doit être toute puissance, toute justice, toute bonté, sans cela il ne serait pas Dieu. Si Dieu est souverainement bon et juste, il ne peut agir par caprice ni avec partialité. Les vicissitudes de la vie ont donc une cause, et puisque Dieu est juste, cette cause doit être juste. Voilà ce dont chacun doit se bien pénétrer. Dieu a mis les hommes sur la voie de cette cause par les enseignements de Jésus, et aujourd'hui, les jugeant assez mûrs pour la comprendre, il la leur révèle tout entière par le spiritisme, c'est-à-dire par la voix des Esprits.

    L'homme sur la terre, et placé sous l'influence des idées charnelles, ne voit dans ces épreuves que le côté pénible ; mais dans la vie spirituelle, il compare ces jouissances fugitives et grossières avec la félicité inaltérable qu'il entrevoit, et dès lors que lui font quelques souffrances passagères ? L'Esprit peut donc choisir l'épreuve la plus rude, et par conséquent l'existence la plus pénible dans l'espoir d'arriver plus vite à un état meilleur, comme le malade choisit souvent le remède le plus désagréable pour se guérir plus tôt. Celui qui veut attacher son nom à la découverte d'un pays inconnu ne choisit pas une route fleurie ; il sait les dangers qu'il court, mais il sait aussi la gloire qui l'attend s'il réussit.
    La doctrine de la liberté dans le choix de nos existences et des épreuves que nous devons subir cesse de paraître extraordinaire si l'on considère que les Esprits, dégagés de la matière, apprécient les choses d'une manière différente que nous ne le faisons nous-mêmes. Ils aperçoivent le but, bien autrement sérieux pour eux que les jouissances fugitives du monde ; après chaque existence, ils voient le pas qu'ils ont fait, et comprennent ce qui leur manque encore en pureté pour l'atteindre : voilà pourquoi ils se soumettent volontairement à toutes les vicissitudes de la vie corporelle en demandant eux-mêmes celles qui peuvent les faire arriver le plus promptement. C'est donc à tort que l'on s'étonne de ne pas voir l'Esprit donner la préférence à l'existence la plus douce. Cette vie exempte d'amertume, il ne peut en jouir dans son état d'imperfection ; il l'entrevoit, et c'est pour y arriver qu'il cherche à s'améliorer.

    Les vicissitudes de la vie sont de deux sortes, ou, si l'on veut, ont deux sources bien différentes qu'il importe de distinguer ; les unes ont leur cause dans la vie présente, les autres en dehors de cette vie. Ainsi, s’il est des maux dont l'homme est la première cause dans cette vie, il en est d'autres auxquels il est, en apparence du moins, complètement étranger, et qui semblent le frapper comme par fatalité. Telle est, par exemple, la perte d'êtres chéris, et celle des soutiens de famille ; tels sont encore les accidents que nulle prévoyance ne pouvait empêcher ; les revers de fortune qui déjouent toutes les mesures de prudence ; les fléaux naturels ; puis les infirmités de naissance, celles surtout qui ôtent à des malheureux les moyens de gagner leur vie par le travail : les difformités, l'idiotie, le crétinisme, etc.
    Ceux qui naissent dans de pareilles conditions n'ont assurément rien fait dans cette vie pour mériter un sort si triste, sans compensation, qu'ils ne pouvaient éviter, qu'ils sont dans l'impuissance de changer par eux-mêmes, et qui les met à la merci de la commisération publique. Pourquoi donc des êtres si disgraciés, tandis qu'à côté, sous le même toit, dans la même famille, d'autres sont favorisés sous tous les rapports ?
    Que dire enfin de ces enfants qui meurent en bas âge et n'ont connu de la vie que les souffrances ? Problèmes qu'aucune philosophie n'a encore pu résoudre, anomalies qu'aucune religion n'a pu justifier, et qui seraient la négation de la bonté, de la justice et de la providence de Dieu, dans l'hypothèse que l'âme est créée an même temps que le corps, et que son sort est irrévocablement fixé après un séjour de quelques instants sur la terre. Qu'ont-elles fait, ces âmes qui viennent de sortir des mains du Créateur, pour endurer tant de misères ici-bas, et mériter dans l'avenir une récompense ou une punition quelconque, alors qu'elles n'ont pu faire ni bien ni mal ?

    Il ne faudrait pas croire cependant que toute souffrance endurée ici-bas soit nécessairement l'indice d'une faute déterminée ; ce sont souvent de simples épreuves choisies par l'Esprit pour achever son épuration et hâter son avancement. Ainsi l'expiation sert toujours d'épreuve, mais l'épreuve n'est pas toujours une expiation ; mais, épreuves ou expiations, ce sont toujours les signes d'une infériorité relative, car ce qui est parfait n'a plus besoin d'être éprouvé. Un Esprit peut donc avoir acquis un certain degré d'élévation, mais, voulant avancer encore, il sollicite une mission, une tâche à remplir, dont il sera d'autant plus récompensé, s'il en sort victorieux, que la lutte aura été plus pénible. Telles sont plus spécialement ces personnes aux instincts naturellement bons, à l'âme élevée, aux nobles sentiments innés qui semblent n'avoir apporté rien de mauvais de leur précédente existence, et qui endurent avec une résignation toute chrétienne les plus grandes douleurs, demandant à Dieu de les supporter sans murmure. On peut, au contraire, considérer comme expiations les afflictions qui excitent les murmures et poussent l'homme à la révolte contre Dieu.

    Le suicide

    On peut lire à la question n°957 du Livre des Esprits : « Quelles sont, en général, les conséquences du suicide sur l'état de l'Esprit ?
    « Les conséquences du suicide sont très diverses ; il n'y a pas de peines fixées, et dans tous les cas elles sont toujours relatives aux causes qui l'ont amené ; mais une conséquence à laquelle le suicidé ne peut échapper, c'est le désappointement. Du reste, le sort n'est pas le même pour tous : il dépend des circonstances ; quelques-uns expient leur faute immédiatement, d'autres dans une nouvelle existence qui sera pire que celle dont ils ont interrompu le cours. »

    L'observation montre, en effet, que les suites de suicide ne sont pas toujours les mêmes ; mais il en est qui sont communes à tous les cas de mort violente, et la conséquence de l'interruption brusque de la vie. C'est d'abord la persistance plus prolongée et plus tenace du lien qui unit l'Esprit et le corps, ce lien étant presque toujours dans toute sa force au moment où il a été brisé, tandis que dans la mort naturelle il s'affaiblit graduellement, et souvent est dénoué avant que la vie soit complètement éteinte. Les conséquences de cet état de choses sont la prolongation du trouble spirite, puis l'illusion qui, pendant un temps plus ou moins long, fait croire à l'Esprit qu'il est encore au nombre des vivants.
    L'affinité qui persiste entre l'Esprit et le corps produit, chez quelques suicidés, une sorte de répercussion de l'état du corps sur l'Esprit qui ressent ainsi malgré lui les effets de la décomposition, et en éprouve une sensation pleine d'angoisses et d'horreur, et cet état peut persister aussi longtemps qu'aurait dû durer la vie qu'ils ont interrompue. Cet effet n'est pas général ; mais dans aucun cas le suicidé n'est affranchi des conséquences de son manque de courage, et tôt ou tard il expie sa faute d'une manière ou d'une autre. C'est ainsi que certains Esprits, qui avaient été très malheureux sur la terre, ont dit s'être suicidés dans leur précédente existence, et s'être volontairement soumis à de nouvelles épreuves pour essayer de les supporter avec plus de résignation. Chez quelques-uns c'est une sorte d'attachement à la matière dont ils cherchent en vain à se débarrasser pour s'envoler vers des mondes meilleurs, mais dont l'accès leur est interdit ; chez la plupart c'est le regret d'avoir fait une chose inutile, puisqu'ils n'en éprouvent que de la déception.
    La religion, la morale, toutes les philosophies condamnent le suicide comme contraire à la loi de nature ; toutes nous disent en principe qu'on n'a pas le droit d'abréger volontairement sa vie ; mais pourquoi n'a-t-on pas ce droit ? Pourquoi n'est-on pas libre de mettre un terme à ses souffrances ? Il était réservé au spiritisme de démontrer, par l'exemple de ceux qui ont succombé, que ce n'est pas seulement une faute comme infraction à une loi morale, considération de peu de poids pour certains individus, mais un acte stupide, puisqu'on n'y gagne rien, loin de là ; ce n'est pas la théorie qu'il nous enseigne, ce sont les faits qu'il met sous nos yeux.

     

     

    A Noter :

  • Les vicissitudes de la vie ont une cause juste, qui peut être soit dans la vie présente, soit dans les existences passées.
  •  Pour en savoir plus :

  • Le Spiritisme devant la science de Gabriel Delanne (5ème partie, ch. II, Les médiums écrivains - médiumnité intuitive)
  • Le Livre des Esprits d’Allan Kardec (2è partie, ch. VI, Choix des épreuves)
  • L’Evangile selon le Spiritisme d’Allan Kardec (ch. V, Bienheureux les affligés)
  • Le Livre des Esprits d’Allan Kardec (4è partie, ch. I, suicide)
  • Le Ciel et l’Enfer d’Allan Kardec (2e partie, ch. V, Suicidés)
  •