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Le Spiritisme est-il une science ?

 

Les phénomènes de « Danse des Tables », qui avaient découlé de l’histoire des sœurs Fox, étaient devenus une véritable mode. En conséquence, ils ont souvent été accueilli avec une grande incrédulité, mais ils ont toutefois attirer l’attention d’hommes de science, qui se sont mis à observer et à étudier sérieusement le phénomène.

Parmi eux figure Hippolyte Rivail, qui plus tard allait adopter le pseudonyme d’Allan Kardec. Il a commencé sa carrière comme professeur de lettres et de sciences. Excellent pédagogue, il a publié divers livres didactiques et a contribué à la réforme de l’enseignement français.

C’est en 1854 qu’il entendu parler pour la première fois des tables tournantes et des manifestations intelligentes. Sceptique au départ, il a cependant adopté une attitude correcte en acceptant d’assister aux expériences, puis en entreprenant des études sérieuses du phénomène. Sans jamais élaborer de théorie préconçue ou prématurés, il a appliqué la méthode expérimentale qui consiste à observer les faits, à en déduire une théorie, à la confronter à l’expérience, et à la rejeter si elle est incapable d’expliquer des faits nouveaux.

Analysant non seulement l’aspect externe des phénomènes, mais aussi la teneur très cohérente des meilleures communications reçues, il a appliqué le principe de causalité : ces effets intelligents devaient avoir une cause intelligente. Cette cause s’est elle-même défini comme étant l’esprit, ou le principe intelligent des êtres humains survivant à la mort, qui n’est que la destruction du corps physique. Mais le Spiritisme n’a conclu à l’existence des Esprits que lorsque cette existence est ressortie avec évidence de l’observation des faits et aussi des autres principes.

Allan Kardec a rapidement écarté l’infaillibilité des esprits, qui n’en savent pas plus que lorsqu’ils étaient incarnés parmi les humains. Ce n’est pas parce que l’on meurt que l’on devient savant. Toutefois, il a constaté que certains d’entre eux possèdent un niveau intellectuel et moral bien au-dessus de la moyenne terrestre, qu’ils s’expriment sans allégorie, et donnent aux choses un sens clair et précis qui ne puisse être sujet à aucune fausse interprétation. De plus, leurs enseignements logiques clarifient, confirment et sanctionnent par des preuves le texte des écritures sacrées et des notions philosophiques parfois très anciennes. Les phénomènes étant naturels et universels, ils remontent à la nuit des temps.

Par un travail d’observation et d’analyse méthodique, en multipliant les sources (50.000 messages) et les médiums, en comparant les messages et en les passant au crible de la raison et du bons sens, Allan Kardec a organisé et trié les enseignements des esprits, et les a publiés le 18 avril 1857 dans « Le Livre des Esprits ». Ce livre contient les principes de la doctrine spirite sur l’immortalité de l’âme, la nature des Esprits et leurs rapports avec les hommes, les lois morales, la vie présente, la vie future et l’avenir de l’humanité, selon l’enseignement donné par les Esprits supérieurs.

Allan Kardec écrira : « Par sa nature, la révélation spirite a un double caractère : elle tient à la fois de la révélation divine et de la révélation scientifique. Elle tient de la première, en ce que son avènement est providentiel, et non le résultat de l’initiative et d’un dessein prémédité de l’homme ; que les points fondamentaux de la doctrine sont le fait de l’enseignement donné par les Esprits chargés par Dieu d’éclairer les hommes sur des choses qu’ils ignoraient, qu’ils ne pouvaient apprendre par eux-mêmes, et qu’il leur importe de connaître, aujourd’hui qu’ils sont mûrs pour les comprendre. Elle tient de la seconde, en ce que cet enseignement n’est le privilège d’aucun individu, mais qu’il est donné à tout le monde par la même voie ; que ceux qui le transmettent et ceux qui le reçoivent ne sont point des êtres passifs, dispensés du travail d’observation et de recherche ; qu’ils ne font point abnégation de leur jugement et de leur libre arbitre ; que le contrôle ne leur est point interdit, mais au contraire recommandé ; enfin, que la doctrine n’a point été dictée de toutes pièces ni imposée à la croyance aveugle ; qu’elle est déduite par le travail de l’homme, de l’observation des faits que les Esprits mettent sous ses yeux, et des instructions qu’ils lui donnent, instructions qu’il étudie, commente, compare, et dont il tire lui-même les conséquences et les applications. En un mot, ce qui caractérise la révélation spirite, c’est que la source en est divine, que l’initiative appartient aux Esprits, et que l’élaboration est le fait du travail de l’homme.

Comme moyen d’élaboration, le Spiritisme procède exactement de la même manière que les sciences positives, c’est-à-dire qu’il applique la méthode expérimentale. Des faits d’un ordre nouveau se présentent qui ne peuvent s’expliquer par les lois connues ; il les observe, les compare, les analyse, et, des effets remontant aux causes, il arrive à la loi qui les régit ; puis il en déduit les conséquences et en cherche les applications utiles. Il n’établit aucune théorie préconçue ; ainsi, il n’a posé comme hypothèses, ni l’existence et l’intervention des Esprits, ni le périsprit, ni la réincarnation, ni aucun des principes de la doctrine ; il a conclu à l’existence des Esprits lorsque cette existence est ressortie avec évidence de l’observation des faits ; et ainsi des autres principes. Ce ne sont point les faits qui sont venus après coup confirmer la théorie, mais la théorie qui est venue subséquemment expliquer et résumer les faits. Il est donc rigoureusement exact de dire que le Spiritisme est une science d’observations, et non le produit de l’imagination. Les sciences n’ont fait de progrès sérieux que depuis que leur étude est basée sur la méthode expérimentale ; mais jusqu’à ce jour on a cru que cette méthode n’était applicable qu’à la matière, tandis qu’elle l’est également aux choses métaphysiques.

Citons un exemple. Il se passe, dans le monde des Esprits, un fait très singulier, et qu’assurément personne n’aurait soupçonné, c’est celui des Esprits qui ne se croient pas morts. Eh bien ! les Esprits supérieurs, qui le connaissent parfaitement, ne sont point venus dire par anticipation : « Il y a des Esprits qui croient encore vivre de la vie terrestre ; qui ont conservé leurs goûts, leurs habitudes et leurs instincts » ; mais ils ont provoqué la manifestation d’Esprits de cette catégorie pour nous les faire observer. Ayant donc vu des Esprits incertains de leur état, ou affirmant qu’ils étaient encore de ce monde, et croyant vaquer à leurs occupations ordinaires, de l’exemple on a conclu à la règle. La multiplicité des faits analogues a prouvé que ce n’était point une exception, mais une des phases de la vie spirite ; elle a permis d’étudier toutes les variétés et les causes de cette singulière illusion ; de reconnaître que cette situation est surtout le propre des Esprits peu avancés moralement, et qu’elle est particulière à certains genres de mort ; qu’elle n’est que temporaire, mais peut durer des jours, des mois et des années. C’est ainsi que la théorie est née de l’observation. Il en est de même de tous les autres principes de la doctrine.

Le Spiritisme ne pose donc en principe absolu que ce qui est démontré avec évidence, ou ce qui ressort logiquement de l’observation. Celui-ci, marchant avec le progrès, ne sera jamais débordé, parce que, si de nouvelles découvertes lui démontraient qu’il est dans l’erreur sur un point, il se modifierait sur ce point ; si une nouvelle vérité se révèle, il l’accepte.

De même que la science proprement dite a pour objet l’étude des lois du principe matériel, l’objet spécial du Spiritisme est la connaissance des lois du principe spirituel ; or, comme ce dernier principe est une des forces de la nature, qu’il réagit incessamment sur le principe matériel et réciproquement, il en résulte que la connaissance de l’un ne peut être complète sans la connaissance de l’autre. Le Spiritisme et la science se complètent l’un par l’autre : la science sans le Spiritisme se trouve dans l’impuissance d’expliquer certains phénomènes par les seules lois de la matière ; le Spiritisme sans la science manquerait d’appui et de contrôle. L’étude des lois de la matière devait précéder celle de la spiritualité, parce que c’est la matière qui frappe tout d’abord les sens. Le Spiritisme venu avant les découvertes scientifiques eût été une oeuvre avortée, comme tout ce qui vient avant son temps. »

Gabriel Delanne ajoute : « Eh bien, nous, spirites, nous venons dire aux positivistes ceci : Nous sommes devenus vos disciples, nous avons adopté votre méthode, et nous n’acceptons pour vraies que les vérités démontrées par l’analyse, les sens et l’observation. Loin de nous conduire aux résultats auxquels vous êtes arrivés, ces instruments de recherche nous ont fait découvrir un nouveau mode de vie et nous apportent la certitude sur les points les plus discutés.

Les grandes voix des Crookes1, des Wallace2, proclament que de l’examen positif des phénomènes spirites il ressort clairement que l’âme est immortelle et que, non seulement elle ne meurt pas, mais encore qu’elle peut se manifester, aux humains, au moyen des lois, encore peu connues, qui régissent la matière impondérable. Tout effet a une cause, et tout effet intelligent suppose une cause intelligente : tels sont les premiers principes, les axiomes inébranlables sur lesquels reposent nos démonstrations.

Les matérialistes pouvaient, il y a peu de temps encore, repousser les arguments des philosophes en leur disant qu’il ne possédaient pas la vraie méthode qui conduit à la vérité ; mais, avec les procédés spirites, rien de semblable n’est à craindre. Nous ne venons pas dire : Il faut la foi pour comprendre notre révélation. Nous n’interdisons pas la recherche libre, nous disons au contraire : Venez, instruisez-vous, faites des expériences, cherchez à vous rendre compte de tous les phénomènes, soyez de méticuleux observateurs, n’acceptez une expérience que si vous avez pu la répéter souvent et dans les circonstances les plus variées, en un mot avancez prudemment dans la recherche de l’inconnu, car en marchant à la découverte de nouveaux principes, les erreurs sont faciles à commettre. Une fois que vous aurez suffisamment étudié, le phénomène vous instruira lui-même sur sa nature et son pouvoir.

Nous nous servons des armes de nos ennemis pour les vaincre ; c’est au nom de leur méthode que nous proclamons l’immortalité de l’âme après la mort.

Toutes les théories qui veulent faire de l’homme un automate, tous les savants qui se sont fait de la science une égide pour proclamer la matérialité de l’être humain, se voient donner le plus formidable démenti par le témoignage des faits. Non, il n’est pas vrai qu’en nous tout soit matière ; non il n’est pas juste de penser qu’à la mort du corps, les éléments qui le composaient étant réduits en poussière, il ne restera rien de ce qui fut un être pensant ; l’expérience nous démontre qu’ainsi que le papillon sort de la chrysalide, l’âme quitte son grossier vêtement de chair pour s’élancer, radieuse, dans l’espace, son éternelle patrie. Rien ne meurt ici-bas, car rien ne se perd. L’atome de matière qui s’échappe d’une combinaison rentre dans le grand laboratoire de la nature, et l’âme qui devient libre, par la dissolution de ses liens corporels retourne là d’où elle était venue. La froide nuit du tombeau n’est plus terrifiante pour nous, car nous avons la preuve certaine que les mausolées ne renferment que des cendres inertes, et que l’être, aimant et pensant n’a pas disparu. »

 

A Noter :

  • Le Spiritisme n’est pas né d’une théorie préconçue, mais par l’application de la méthode expérimentale aux phénomènes spirites.
  •  Pour en savoir plus :

  • Le phénomène spirite de Gabriel Delanne. (4ème partie, chap. I)
  • Le Spiritisme est-il une science ? de Charles Kempf. (fascicule)
  • La Genèse d’Allan Kardec (Chap I, caractère de la révélation spirite, § 13 à 15, 55)
  • Dans l’Invisible de Léon Denis. (1ère partie, chap.I, la science spirite)
  • Revue Spirite 1902, p.340 (De la preuve scientifique en matière de spiritisme)
  • Allan Kardec, sa vie, son œuvre d’André Moreil (chap. IV)
  • Revue Spirite 1922 - p.90 de Louis Gastin
  • Rapport de la Société Dialectique de Londres.
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    Le Spiritisme est-il une religion ?

     

    Lorsque les Esprits sont venus révéler aux hommes les lois nouvelles de nature qui ont fait du spiritisme une doctrine, ils ont dit : « Voilà les principes ; à vous de les élaborer et d’en déduire les applications. » Ce que nous avons fait maintes fois pour les questions scientifiques, nous le faisons maintenant pour la question religieuse.

    Le spiritisme, en effet, n’est par lui-même, qu’une doctrine philosophique bâtie sur des faits exacts et des lois naturelles encore inconnues ; mais par son essence, cette doctrine, en modifiant profondément les idées, touche à toutes les questions sociales, et par conséquent à la question religieuse, comme à toutes les autres. Est-ce que toutes les philosophies ne s’en occupent pas ? puisqu’elles commentent les bases de toutes les religions, c’est-à-dire Dieu, l’origine et la nature de l’âme ? La philosophie matérialiste ne s’en occupe-t-elle pas aussi au point de vue de la négation ? Il est même impossible qu’une philosophie n’aborde pas ces questions dans un sens ou dans un autre. Le spiritisme pouvait donc s’en occuper de son côté à l’aide des éléments nouveaux qu’il précède ; mais ce n’est pas là ce qui constitue une religion, autrement toutes les philosophies seraient des religions.

    Il faut distinguer l’idée religieuse de la religion proprement dite. L’idée religieuse est générale, sans principe de détails arrêtés, sans réglementation quelconque. La religion a un caractère particulier de précision qui consiste non seulement dans une communauté de croyances bien déterminées, mais dans la forme extérieure de l’adoration, dans l’accomplissement de certains devoirs, et dans le lien qui unit les adeptes. C’est ce que n’a jamais eu le spiritisme, et c’est pour cela qu’il n’a pas été une religion. On est spirite parce qu’on sympathise avec l’idée qu’il renferme, comme on est cartésien, platonicien, spiritualiste ou matérialiste, mais non par une profession de foi ou une consécration quelconque.

    Le Spiritisme ne possède ni dogmes, ni cultes, ni rites, ni cérémonies, ni hiérarchies ; il ne demande, ni n’admet, aucune foi aveugle ; il veut voir clair en tout ; il veut que l’on comprenne tout, que l’on se rende compte de tout.

    « Le Spiritisme, écrit Allan Kardec3, pose en principe qu’avant de croire, il faut comprendre ; or, pour comprendre, il faut faire usage de son jugement…. au lieu de dire : croyez d’abord et vous comprendrez ensuite si vous pouvez, il dit : comprenez d’abord, et vous croirez ensuite si vous le voulez.

    Le véritable but des assemblées religieuses doit être la communion de pensées ; c’est qu’en effet, le mot religion veut dire lien ; une religion, dans son acception large et vraie, est un lien qui relie les hommes dans une communauté de sentiments, de principes et de croyances.

    Le lien établi par une religion, quel qu’en soit l’objet, est un lien essentiellement moral, qui relie les cœurs, qui identifie les pensées, les aspirations, et n’est pas seulement le fait d’engagements matériels qu’on brise à volonté, ou de l’accomplissement de formules qui parlent aux yeux plus qu’à l’esprit. L’effet de ce lien moral est d’établir entre ceux qu’il unit, comme conséquence de la communauté de vues et de sentiments, la fraternité et la solidarité, l’indulgence et la bienveillance mutuelles. C’est en ce sens qu’on dit aussi : la religion de l’amitié, la religion de la famille.

    S’il en est ainsi, dira-t-on, le spiritisme est donc une religion ? Eh bien, oui ! Sans doute. Messieurs, dans le sens philosophique, le spiritisme est une religion et nous nous en glorifions, parce que c’est la doctrine qui fonde les liens de la fraternité et de la communion de pensées sur une simple convention mais sur les bases les plus solides, les lois mêmes de la matière.

    Pourquoi donc avons-nous déclaré que le spiritisme n’est pas une religion ? Par la raison qu’il n’y a qu’un mot pour exprimer deux idées différentes et que dans l’opinion générale, le mot religion est inséparable de celle de culte, qu’il réveille exclusivement une idée de forme et que le spiritisme n’en a pas. Si le spiritisme se disait religion, le public n’y verrait qu’une nouvelle édition, une variante, si l’on veut, des principes absolus en matière de foi, une caste sacerdotale avec son cortège de hiérarchies, de cérémonies et de privilèges ; il ne le séparerait pas des idées, de mysticisme et des abus contre lesquels l’opinion s’est souvent élevée. »

    Louis Serré et Roland Tavernier ont écrit : « N’ayons pas peur des mots : religion, spiritualisme ; nous sommes spiritualistes donc religieux. Nous admettons que toutes les religions ont un point commun : la spiritualité ; mais nous repoussons énergiquement les dogmes qui cristallisent la recherche et s’opposent souvent à la raison, ainsi que les rites qui tendent à donner un pouvoir usurpé à ceux qui les pratiquent - cela menant immanquablement à l’intolérance et au racisme, sources de tant de cruauté. »

     

     A Noter :

  • Le Spiritisme est une philosophie, déduite de la manifestation des Esprits, qui a des conséquences religieuses.
  • Comme les religions, le Spiritisme est basé sur la survivance de l’Esprit.
  • Spiritisme, qui n’a ni dogmes, ni cultes, ni hiérarchies, n’est pas une religion au sens commun.
  • Le Spiritisme, qui relie les hommes dans une communauté de sentiments et de principes, est une religion au sens étymologique qui veut dire : « lien ».
  • Pour en savoir plus :

  • Le Spiritisme est-il une religion ? discours d’Allan Kardec. (dans le livre l’Obsession ou en fascicule)
  • Spiritualisme vers la lumière de Louis Serré. (Livre second, page 205)
  • Allan Kardec, sa vie, son œuvre d’André Moreil (chap. V)
  • Le Spiritisme, qu’en savons-nous ? de l’U.S.F.F. (2ème édition, page 31)
  • Histoire du Spiritisme de Arthur Conan Doyle. (chap. XXIV, Aspect religieux…)
  • Revue Spirite 1908 - p.590 d’Allan Kardec (Etude des religions)
  • Revue Spirite 1908 - p.739 de P. Verdard-Lessard (La religion et le Spiritisme)
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    Entre Spiritisme Christique et Spiritisme expérimental

     

    Il existe deux tendances du spiritisme : le Spiritisme expérimental et le Spiritisme christique. Le premier, plus orienté sur la phénomènologie spirite, cherche à réunir les preuves de la survivance de l’être. Le second, s’appuyant sur le premier, cherche davantage à diffuser le côté philosophique et morale de l’enseignement des Esprits.

    « Remarquons, écrit Léon Denis, qu’il y a tendance, de la part de certains groupements, à donner au spiritisme un caractère surtout expérimental, à s’attacher exclusivement à l’étude des phénomènes, à négliger ce qui a un caractère philosophique ; tendance à rejeter tout ce qui peut rappeler, si peu que ce soit, les doctrines du passé, pour se cantonner sur le terrain scientifique. Dans ces milieux, on tient à écarter la croyance et l’affirmation de Dieu comme superflues, tout au moins comme étant d’une démonstration impossible. On pense ainsi attirer les hommes de science, les positivistes, les libres penseurs, tous ceux qui éprouvent une sorte d’aversion pour le sentiment religieux, pour tout ce qui a une apparence mystique ou doctrinale.

    D’un autre côté, on voudrait faire du spiritisme un enseignement philosophique et moral, basé sur les faits, un enseignement susceptible de remplacer les doctrines vieillies, les systèmes surannés et de donner satisfaction aux âmes nombreuses qui recherchent avant tout des consolations pour leurs douleurs, une philosophie simple, populaire, qui les repose des tristesses de la vie.

    D’un côté comme de l’autre, il y a des foules à satisfaire ; beaucoup plus même d’un côté que de l’autre, car la foule de ceux qui luttent et souffrent dépasse en grand nombre celle des hommes d’étude.

    Pour soutenir ces deux thèses, nous voyons de part et d’autre des hommes sincères et convaincus, aux qualités desquels nous nous plaisons à rendre hommage. Pour qui faudrait-il opter ? dans quel sens convient-il d’orienter le spiritisme pour assurer son évolution ? Le résultat de nos recherches et de nos observations nous amène à reconnaître que la grandeur du spiritisme, l’influence qu’il acquiert sur les masses provient surtout de sa doctrine ; les faits ne sont que les fondations sur lesquelles l’édifice s’appuie. Certes ! les fondations jouent un rôle essentiel dans tout édifice, mais ce n’est pas dans les fondations, c’est-à-dire en des constructions souterraines, que la pensée et la conscience peuvent trouver un abri.

    A nos yeux, la mission réelle du spiritisme n’est pas seulement d’éclairer les intelligences par une connaissance plus précise et plus complète des lois physiques du monde ; elle consiste surtout à développer la vie morale chez les hommes, la vie morale que le matérialisme et le sensualisme ont bien amoindrie. Relever les caractères et fortifier les consciences, telle est la tâche capitale du spiritisme. A ce point de vue, il peut être un remède efficace aux maux qui assiègent la société contemporaine, un remède à cet accroissement inouï de l’égoïsme et des passions qui nous pousse aux abîmes.

    Nous croyons devoir exprimer ici notre entière conviction : ce n’est pas en faisant du spiritisme seulement une science positive, expérimentale ; ce n’est pas en éliminant ce qu’il y a d’élevé en lui, ce qui entraîne la pensée au-dessus des horizons étroits, c’est-à-dire l’idée de Dieu, l’usage de la prière, que l’on facilitera sa tâche ; au contraire, on le rendrait stérile, sans action sur le progrès des masses.

    Il y a autre chose encore. Même en nous cantonnant sur le terrain de l’étude expérimentale, il est une considération capitale dont nous devons nous inspirer. C’est la nature des rapports qui existent entre les hommes et le monde des Esprits ; c’est l’étude des conditions à remplir pour tirer de ces rapports les meilleurs effets.

    Dès qu’on aborde ces phénomènes, on est frappé par la composition de ce monde invisible qui nous entoure, par le caractère de ces foules d’esprits qui nous enveloppent et cherchent sans cesse à se mettre en relations avec les hommes. Autour de notre planète arriérée flotte une vie puissante, invisible, où dominent les esprits légers et moqueurs, auxquels se mêlent des esprits pervers et malfaisants. Il y a là bien des passionnés, des vicieux, des criminels. Ils ont quitté la terre, l’âme pleine de haine, la pensée altérée de vengeance ; ils attendent dans l’ombre le moment propice pour satisfaire leurs rancunes, leurs fureurs, aux dépens des expérimentateurs imprudents et imprévoyants qui, sans précaution, sans réserve, ouvrent toutes larges les voies qui font communiquer notre monde et celui des Esprits.

    Fort heureusement, à côté du mal est le remède. Pour nous délivrer des influences mauvaises, il existe une ressource suprême. Nous possédons un moyen puissant pour écarter les esprits de l’abîme et faire du spiritisme un élément de régénération, un soutien, un réconfort. Cette ressource, ce préservatif, c’est la prière, c’est la pensée dirigée vers Dieu ! La pensée de Dieu est comme une lumière qui dissipe l’ombre et éloigne les esprits de ténèbres ; c’est une arme qui écarte les esprits malfaisants et nous préserve de leurs embûches. La prière, lorsqu’elle est ardente, improvisée, et non pas une récitation monotone, a un pouvoir dynamique et magnétique considérable ; elle attire les esprits élevés et nous assure leur protection. Grâce à eux, nous pouvons alors communiquer avec ceux que nous avons aimés sur terre, ceux qui ont été la chair de notre chair, le sang de notre sang et qui, du sein des espaces, tendent leurs bras vers nous.

    Pour entrer en relations avec les puissances supérieures, avec les esprits éclairés, il faut la volonté et la foi, le désintéressement absolu et l’élévation des pensées. En dehors de ces conditions, l’expérimentateur serait le jouet des esprits légers. « Qui se ressemble s’assemble », dit le proverbe. En effet, la loi des affinités régit le monde des âmes comme celui des corps.

    Il y a donc nécessité, au point de vue théorique comme au point de vue pratique, nécessité au point de vue du progrès du spiritisme, de développer. le sens moral, de s’attacher aux croyances fortes, aux principes supérieurs, nécessité de ne pas abuser des évocations, de n’entrer en communication avec les Esprits que dans des conditions de recueillement et de paix morale.

    Le spiritisme a été donné à l’homme comme, un moyen de s’éclairer, de s’améliorer, d’acquérir les qualités indispensables à son évolution. Si l’on détruisait dans les âmes ou seulement si l’on négligeait l’idée de Dieu et les aspirations élevées, le spiritisme pourrait devenir une chose dangereuse. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à dire que se livrer aux pratiques spirites sans épurer ses pensées, sans les fortifier par la foi et la prière, ce serait accomplir une oeuvre funeste, dont la responsabilité pourrait retomber lourdement sur ses auteurs. »

     

    A Noter :

  • Le côté le plus élevé du Spiritisme est sa force morale.
  • Le but essentiel du Spiritisme est l’amélioration des hommes ; en le cantonnant au domaine des faits, il est stérile.
  • Pour en savoir plus :

  • La Grande Enigme de Léon Denis. (1ère partie, chap. VII)
  • La Table, le Livre et les Esprits de François Laplantine (4ème partie, chap. II)
  • Allan Kardec, sa vie, son œuvre d’André Moreil (chap. VI et VII)
  • Le Spiritisme Christique de Gaston Luce (en fascicule ou dans le livre Spiritisme et rénovation).
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    Conclusion

     

    Le Spiritisme, né de l’observation des faits et de l’application de la méthode expérimentale a eu des conséquences religieuses en démontrant la survie de l’Esprit et en étudiant sa situation dans la vie future. Quels aspects faut-il envisager pour l’avenir du Spiritisme ? Nous répondrons avec Louis Serré et Roland Tavernier que « tout en étant attachés à la doctrine spiritualiste du spiritisme, nous sommes très attentifs à la partie expérimentale qui constitue une démonstration et des faits sur lesquels s’appuie la doctrine. Nous suivons totalement Allan Kardec parce qu’il affirme que le spiritisme sera scientifique et s’il n’ajoute pas qu’il sera spiritualiste, c’est qu’il l’est dans son essence et que cela va de soi ; « l’évangile selon le Spiritisme », « le Livre des Esprits » sont là, pour l’attester.

    [1] William Crookes, physicien et chimiste anglais, il découvrit le thallium (1861) et montra que les rayons cathodiques sont des particules électrisées (1878). Membre de la société dialectique de Londres, il étudia les phénomènes spirites avec le médium Daniel Dunglas Home et la médium Florence Cook. Ses recherches l’amenèrent à conclure en l’authenticité du phénomène. Il affirmera, à l’académie de Londres : « Je ne dis pas que cela est possible, je dis que cela est. » ; voir Recherches sur les phénomènes du Spiritualisme.

    [2] Alfred Russel Wallace, naturaliste anglais, il proposa sa propre théorie de l’évolution par sélection naturelle en même temps que Darwin. Membre de la société dialectique de Londres, il étudia les phénomènes spirites durant plusieurs années et conclua en faveur de l’authenticité du phénomène dans Les miracles et le Spiritisme.

    [3] Revue Spirite 1867, p. 40.